What About Her ? – Pauline Marcopoulos

Pauline Marcopoulos a su très jeune que le spectacle vivant serait un élément très important de son équilibre de vie. Partager des émotions artistiques, surprendre des personnes dans la rue avec différentes formes de spectacles, ressentir l’adrénaline d’avant la rencontre avec le public sont autant de ses moteurs et profondes motivations ! Aujourd’hui elle est régisseuse son au Florida, scène de musiques actuelles à Agen, mais ce poste lui fait expérimenter bien plus que des concerts !
Le Florida est un lieu historique et emblĂ©matique du centre-ville d’Agen. Cabaret des annĂ©es 30, music-hall au sortir de la seconde guerre, cinĂ©ma dans les annĂ©es 80 puis lieu dĂ©diĂ© aux musiques actuelles et aux pratiques artistiques numĂ©rique depuis 1992, le Florida vibre aux sons de l’expĂ©rimentation artistique, de l’expression de chacune et de chacun, de la rencontre et de la curiositĂ©. En effet voici plus de 30 ans, pour la partie musiques actuelles, que son projet rĂ©sonne du centre-ville agenais aux diffĂ©rentes bourgs, quartiers et villages du Lot et Garonne en mettant la pratique musicale de toutes et tous et surtout en collectif, Ă l’honneur ! Premier Ă©quipement dĂ©diĂ© aux musiques actuelles qui a su tisser des liens entre rĂ©pĂ©tition, crĂ©ation, et transmission musicale, le Florida demeure un agitateur de nos imaginaires culturels et de nos pratiques artistiques Ă l’écoute de son territoire, des personnes qui y vivent, qui y passent et y reviennentÂ
Entretien avec Pauline Marcopoulos
Qu’est-ce qui t’a donné envie un jour, de devenir régisseuse son ?
En fait, quand je suis sortie du lycĂ©e, je savais dĂ©jĂ que je voulais travailler dans les concerts, les festivals, avec l’idĂ©e, Ă l’époque, d’être plutĂ´t du cĂ´tĂ© de l’organisation ou de la crĂ©ation des Ă©vènements. J’ai donc commencĂ© un cursus universitaire par une première annĂ©e en licence Art du spectacle. Mais la fac, finalement, ce n’était pas trop mon truc, trop de thĂ©orie. J’ai donc poursuivi par un DUT (DiplĂ´me Universitaire Technologique) multimĂ©dia, je me disais que la communication, ça me servirait toujours et puis ce cursus intĂ©grait de la vidĂ©o qui me branchait bien Ă l’époque ! Je me suis donc engagĂ©e dans cette voie, mais très rapidement, je me suis dĂ©sintĂ©ressĂ©e de la communication ; en revanche, les cours de production audiovisuelle, filmer, prendre le son, ça m’a bien plu. Et il y avait aussi les cours de traitement du signal, je dĂ©couvrais le son et ça me branchait bien, cette partie-lĂ Â ! J’étais Ă Grenoble Ă cette Ă©poque et j’ai fait un stage dans une salle associative qui s’appelle l’AmpĂ©rage. J’ai eu l’occasion de faire du plateau et ça m’a plu tout de suite, énormĂ©ment ! J’ai Ă©tĂ© accompagnĂ©e par le rĂ©gisseur, HervĂ©, qui m’a beaucoup soutenue et encouragĂ©e, j’avais donc vraiment la sensation de bien m’en sortir, d’ĂŞtre Ă ma place, d’aimer ce que je faisais. J’ai donc fini mon DUT, puis l’étĂ© suivant j’ai commencĂ© Ă ĂŞtre bĂ©nĂ©vole en technique sur des festivals, le Nomade Reggae Festival près d’Annecy, Chalon dans la rue, le festival DĂ©mon d’Or pas loin de Lyon. Je faisais beaucoup de plateau et ça a, tout de suite, confirmĂ© que c’était le cĂ´tĂ© technique de la scène, qui me plaisait.

 J’avais vraiment rempli mon Ă©tĂ© de bĂ©nĂ©volat technique pour apprendre le plus possible.Â
Est-ce qu’avant tes choix d’orientation professionnelle tu avais déjà été sensibilisée au milieu du spectacle ?
En fait, mes parents m’emmenaient tous les ans Ă un festival qui s’appelle Rock’n Poche en Haute-Savoie depuis l’âge de mes 11 ans. Et puis, ma mère m’amenait aussi souvent au théâtre Château-Rouge Ă Annemasse, j’ai donc vu beaucoup de chouettes spectacles grâce Ă elle et ça me plaisait bien ! Et puis, je me rappelle quand mĂŞme un jour oĂą je me suis dit « Ah, mais le gars-lĂ qui fait le son, il a l’air d’avoir clairement la meilleure place ! ». Je me rappelle prĂ©cisĂ©ment ces pensĂ©es-lĂ Â ! J’avais envie de passer ma vie en concert. Je me suis donc un peu fixĂ© ça comme objectif professionnel !
Et comment es-tu passée de premières expériences bénévoles à une insertion professionnelle dans les métiers du son ?
Après ma pĂ©riode de bĂ©nĂ©volat, je suis partie en Allemagne. J’y ai fait un stage dans une boĂ®te de prestation. J’ai vite compris que je n’avais pas le niveau technique en physique et en Ă©lectricitĂ©. Il y avait beaucoup, beaucoup de notions que je ne connaissais pas. J’ai vite compris qu’il fallait que je me remette Ă niveau lĂ -dessus. Je me suis donc motivĂ©e Ă reprendre des cours de physique, Ă apprendre les bases. Et finalement je me suis dit qu’il fallait que je fasse une formation en sonorisation. Je suis quand mĂŞme quelqu’un d’assez scolaire donc j’aime bien apprendre et qu’on me donne la matière. Puis j’ai tentĂ© le concours du CFPTS Ă Paris, mais je n’ai pas Ă©tĂ© prise, clairement, je n’Ă©tais pas du tout au niveau… En revanche, j’ai Ă©tĂ© prise en DNMADE, DiplĂ´me National des MĂ©tiers d’Art et du Design de Paris, en sonorisation du spectacle vivant. J’ai donc suivi cette formation en trois ans, qui Ă©tait hyper intĂ©ressante ! C’est une formation publique qui est Ă la fois technique et Ă la fois artistique, mĂŞme Ă la sĂ©lection, un petit bagage artistique est demandĂ©. Et pour moi ce sont des sujets qui me parlent beaucoup. Je fais un peu d’arts plastiques, d’histoire du théâtre. Tout ça, ça me parlait donc pas mal. On a eu un enseignement thĂ©orique hyper solide et puis aussi des bases en lumière, qui nous a permis d’être polyvalent·es. Nous avions aussi la possibilitĂ© de crĂ©er des petites formes artistiques, c’Ă©tait assez chouette !
Et puis dans le cadre de ce DNMADE, il y a eu un moment un peu dĂ©cisif. Tous les Ă©tudiant·es de 2Ième annĂ©e sont intĂ©gré·es en tant que stagiaires sur un festival d’arts de rue : Onze Bouge dans le 11ème arrondissement de Paris. J’y ai rencontrĂ© VĂ©ronique Charbit qui est directrice technique sur plusieurs Ă©vĂ©nements et notamment pour la compagnie Oposito. C’est une personne qui m’a beaucoup marquĂ©e, qui est très chouette, parfois dure aussi. C’est-Ă -dire qu’il faut accepter un certain rythme, des conditions de travail un peu dures et exigeantes. Et puis il faut y aller, il faut enchaĂ®ner. Mais ce festival s’est hyper bien passĂ© pour moi, j’étais complètement dans mon Ă©lĂ©ment. L’art de la rue, c’est vraiment quelque chose qui me parle beaucoup. J’en avais vu pas mal aussi quand j’Ă©tais gamine en spectatrice. VĂ©ronique Charbit m’a repĂ©rĂ©e et m’a rembauchĂ©e sur le spectacle de la compagnie Oposito, Peaux bleues. J’ai fait plusieurs dates avec elle, sur des festivals aussi, sur les Rencontres d’ici ou d’ailleurs Ă Garges-lèz-Gonesses. Cependant, je faisais davantage du plateau que de la sonorisation. Il y a eu cette expĂ©rience marquante d’une part, et d’autre part, il y a eu ma professeure de lumière au DNMADE, qui m’a recommandĂ© Ă Aurore Erguy, qui souhaitait crĂ©er un festival d’arts de rue en Eure-et-Loir. Elle cherchait de nouvelles tĂŞtes pour lancer l’Ă©vĂ©nement. Et elle a pensĂ© Ă moi pour faire la rĂ©gie gĂ©nĂ©rale du festival. Ce qui a jouĂ© en ma faveur, c’est que j’avais le permis d’ailleurs ! Ce festival proposait un concept assez fun d’une balade sur le territoire avec des spectacles sur diffĂ©rents sites, pas des plus simple quand mĂŞme en termes de rĂ©gie gĂ©nĂ©rale ! Et moi Ă l’Ă©poque, j’étais plutĂ´t dans le refus ou la crainte d’aller sur une rĂ©gie complexe, de coordonner une Ă©quipe, de prendre et d’assumer des dĂ©cisions. C’était des compĂ©tences que je ne pensais pas avoir. Mais finalement je me suis dit que c’Ă©tait une super opportunité ! Et je me suis lancĂ©e ! Et voilĂ , c’est la quatrième Ă©dition du festival La Grande Balade, je travaille toujours lĂ -bas aussi !
Petite, tu avais une pratique de spectatrice dans ton cadre familial. Est-ce que tu avais aussi une expérience en termes de pratiques artistiques ?
J’ai jouĂ© de la guitare pendant longtemps, de la guitare classique, avec un super prof en cours individuel. J’ai appris aussi le solfège, mais pas au conservatoire. Et puis, quand je suis partie de chez mes parents, j’ai arrĂŞtĂ© les cours. Je ne me considère pas vraiment musicienne parce qu’il y a cette pĂ©riode d’apprentissage pendant laquelle j’ai appris avec des partitions et donc ensuite pour sortir une guitare sans ta partition et jouer avec les copains ce n’est pas la mĂŞme chose ! J’ai donc un peu lâchĂ© la pratique de la guitare ! Et j’aime bien l’idĂ©e de me dire que je fais aussi de la musique en sonorisant des artistes. Je prĂ©fère avoir cette position-lĂ plutĂ´t dans l’ombre, mais de pouvoir ĂŞtre toujours en contact des musicien·nes parce que je trouve qu’ils sont incroyables !

 …j’aime bien l’idĂ©e de me dire que je fais aussi de la musique en sonorisant des artistes.Â
Si on revient à ton parcours professionnel, à la suite du DNMADE, comment s’est passé ton entrée dans la vie active de technicienne son ?
J’ai donc eu mon diplĂ´me de rĂ©gisseuse son, mais le COVID est arrivĂ©. Et puis je voulais quitter Paris aussi. Donc je suis partie en France en vadrouille, en camion, dans l’idĂ©e de pouvoir suivre des compagnies. Ce qui ne s’est pas du tout passĂ© comme ça finalement ! C’Ă©tait la pĂ©riode Covid, on ne pouvait pas travailler rĂ©ellement dans le spectacle, donc j’ai plutĂ´t eu des jobs alimentaires, et en fait j’ai trouvĂ© du travail dans le coin d’Agen. Je me projetais Ă l’époque davantage en tant qu’intermittente du spectacle, mais c’était assez compliqué ! Je n’avais pas beaucoup d’expĂ©rience pratique de sonorisation en sortant de formation. Nous avions davantage fait de la crĂ©ation sonore et de la thĂ©orie. Je ne me sentais pas du tout autonome sur une console, je ne savais pas quoi dire aux potentiels employeurs en termes de compĂ©tences, etc.
Et un jour, quelqu’un m’a dit que le Florida cherchait un ou une rĂ©gisseuse son. Ma première rĂ©action a Ă©tĂ© de me dire « non, c’est hors de question, je ne vais pas m’enfermer dans une salle ! » Et puis, en fait, j’ai vu la fiche de poste qui inclut une part importante de mĂ©diation culturelle, il n’y avait pas uniquement du concert pour du concert ! Je retrouvais un peu cet aspect arts de rue, j’aime bien ĂŞtre dehors, j’aime bien que ça sorte des murs, j’aime aller jouer chez les gens, enfin dans la rue. J’ai donc retrouvĂ© un peu ces dimensions dans la fiche de poste. Et c’était aussi l’occasion d’asseoir rĂ©ellement mes compĂ©tences, de gagner en confiance, de travailler mes oreilles Ă fond sur un système que je connais, avec une Ă©quipe de confiance. J’ai donc signĂ© tout d’abord en CDD, et puis maintenant voilĂ , j’attaque ma 3ième annĂ©e au Florida, en tant que première rĂ©gisseuse son permanente dans cette structure !
Si tu devais prĂ©senter ton mĂ©tier ou tes journĂ©es Ă quelqu’un qui ne connaĂ®t pas trop le milieu de la sonorisation, comment dĂ©crirais-tu tes activitĂ©s, tes tâches au quotidien ?
Mes journĂ©es sont assez denses au Florida, parce qu’il y a plein d’aspects diffĂ©rents sur lesquels je suis impliquĂ©e. Il y a celui de la musique en amateur et des studios de rĂ©pĂ©tition, qui est plutĂ´t la partie de tous les jours, qui est une constante du projet. Sur cette entrĂ©e j’accueille des musicien·nes qui viennent rĂ©pĂ©ter en studio. Notre travail, c’est de leur faciliter l’approche technique, c’est-Ă -dire de s’assurer qu’ils et elles comprennent comment fonctionnent les amplis guitares, basses, les micros, les aider dans cette approche technique du son. Nous n’intervenons pas sur leur musicalitĂ©, mais vraiment sur le signal son, comment on le traite, qu’est-ce qui sert Ă quoi dans ce traitement, etc. Il s’agit que tout le monde s’entende bien et puisse rĂ©pĂ©ter dans de bonnes conditions. Les studios sont ouverts tous les jours de la semaine au Florida, c’est donc une tâche de fond. A cette première partie de mes tâches, s’ajoute la partie de prĂ©paration des concerts. Nous sommes une Ă©quipe de trois rĂ©gisseur.ses son en permanents au Florida et nous nous rĂ©partissons les diffĂ©rents concerts, les diffĂ©rentes dates, et chacun est rĂ©fĂ©rent·e d’une date. Par exemple, j’accueille la semaine prochaine le concert de Ben et Mylène. J’ai reçu leur fiche technique avec l’ensemble de leurs besoins plus ou moins dĂ©taillĂ©s pour les accueillir : combien de micros ? Quels instruments ? Combien de retours ? etc. J’identifie tout ça, je me mets en contact avec les techniciens et je m’assure que tout est OK, que s’il y a de la location de matĂ©riel Ă faire, il faut que je gère cette location. Donc ça, c’est aussi un peu sur toute l’annĂ©e, en parallèle de la gestion des studios et du reste, de la prĂ©paration des concerts.
Et puis, il y a les jours de concert oĂą lĂ je vais vraiment faire de la sonorisation Ă proprement parler ! Nous accueillons des musicien·nes, on les installe au plateau, sur scène, on branche des micros lĂ oĂą il y en a besoin. Par exemple, notre rĂ©elle expertise est de savoir quel micro on utilise, oĂą les mettre,… Ensuite nous branchons tout ça, et on rĂ©cupère les signaux Ă la console. A partir de lĂ , on va pouvoir mĂ©langer les sources sonores pour que l’harmonie se fasse et que les sources soient bien distinctes les unes des autres. Souvent nous accueillons d’autres techniciens extĂ©rieurs, qui viennent avec le groupe, qui ont besoin d’être guidĂ©s sur la console de la salle. Et puis une fois que le concert dĂ©marre, il y a toujours un technicien Ă la console, plus quelqu’un de chez nous qui l’accueille, une personne au plateau qui va s’occuper d’intervenir s’il y a besoin de changer un câble par exemple, s’il y a un micro qui tombe, s’il se passe quelque chose sur le plateau, et quelqu’un aux retours qui va gĂ©rer le son uniquement des retours, c’est-Ă -dire des enceintes sur scène qui permettent aux musicien·nes de s’entendre correctement. Nous avons la chance d’avoir cette configuration-lĂ qui est quand mĂŞme très confortable !
Il y a Ă©galement la sonorisation des projets d’actions culturelles ou des Ă©vĂ©nements dans le bar, qui sont donc des plus petits Ă©vĂ©nements, mais qui font partie de la programmation. Nous allons soit sortir du matĂ©riel pour aller, par exemple, faire le concert de restitution d’ateliers d’Ă©criture menĂ©s avec des enfants dans un village. Dans ce cas, on prĂ©pare le matĂ©riel qu’on emmène, on installe le système son, ça s’appelle le calage du système, Ă©tape qui permet de vĂ©rifier que ça sonne bien, que ce soit agrĂ©able pour tout le monde. Et ensuite comme pour les concerts dans la salle, on accueille les personnes qui vont jouer, on fait les balances, on les sonorise et Ă la fin on dĂ©monte tout et on ramène le matĂ©riel.
Et pour finir il y a aussi l’accompagnement des pratiques en amateur. C’est ce que je fais le plus au Florida, que je ne faisais pas ailleurs. C’est hyper intĂ©ressant, parce que quand tu sonorises des artistes professionnels, ils se dĂ©brouillent, ils savent se brancher, ils savent comment ça fonctionne, comment ça va se dĂ©rouler. Tandis que lĂ , avec les personnes qui pratiquent dans un cadre amateur, en fait tu repars de zĂ©ro, on les soutient, on fait un peu de pĂ©dagogie aussi et de l’enseignement technique tout simplement.
Qu’est-ce qui te motive particulièrement, qui te fait vibrer par rapport Ă ces diffĂ©rents types d’actions que tu peux faire au Florida ?
Il y a plusieurs aspects. Celui qui m’Ă©moustille, dans tous les cas, que ce soit au Florida ou ailleurs, c’est quand mĂŞme cette forme d’adrĂ©naline liĂ©e au spectacle, d’urgence Ă ce que ça fonctionne Ă l’heure H qui est hyper stimulante. Moi c’est comme ça que j’aime bien travailler dans cette dynamique-lĂ ! Plus prĂ©cisĂ©ment, ce qui donne du sens Ă mon travail, c’est ce qu’on amène aux gens, en fait. C’est quelque chose qui est hyper essentiel et qui se fait depuis toujours, depuis l’existence des sociĂ©tĂ©s je crois, c’est d’amener cette possibilitĂ© de s’Ă©vader Ă un moment, et de donner Ă voir, Ă Ă©couter des choses aux personnes, qu’ils ou elles ne connaissent pas, c’est de faire vivre un peu au public ce que moi j’adore dans le concert, dans le spectacle, dans le théâtre, peu importe, mais c’est de vraiment vivre des Ă©motions. En tant que spectatrice, c’est quelque chose qui me transporte rĂ©ellement et je sais que j’ai pu vivre des rĂ©vĂ©lations Ă mon Ă©chelle personnelle grâce aux spectacles. C’est ce que je retrouve aussi Ă©normĂ©ment dans le spectacle de rue. C’est vraiment quelque chose qui me fait Ă©normĂ©ment vibrer parce qu’il y a ce rapport aux autres. Dans un spectacle de rue, on va chez les gens sans qu’il y ait ou pas forcĂ©ment, une demande au dĂ©part, mais on arrive et on propose un spectacle dans l’espace public qui plait ou pas, mais en tout cas on est lĂ . Et puis on s’adapte Ă un cadre oĂą tout est nouveau Ă chaque fois. C’est vraiment ce qui me plait, faire des choses parfois un peu folles dans des endroits qui se mettent Ă vibrer Ă nouveau parce qu’on y amène un spectacle, un concert. Et puis tout simplement, on le sent quand on fait un concert, on sent tout de suite que tout d’un coup, tout le monde vibre de la mĂŞme façon. Il y a un truc qui amène Ă©normĂ©ment de joie et qui est pour moi tellement nĂ©cessaire d’autant plus Ă l’heure actuelle ! Je suis très heureuse de pouvoir faire un mĂ©tier qui me nourrit tous les jours. Mais les moments qui me font le plus vibrer, au Florida, c’est vraiment les Live sessions qui sont les concerts des Ă©lèves. Les Ă©lèves forment des groupes, le plus souvent, guitare basse batterie chant, qui apprennent des morceaux, des reprises, et ensuite ils et elles montent sur scène pour le concert des Ă©lèves. Mais ce n’est pas n’importe quel concert des Ă©lèves ! Ils et elles sont accompagnĂ©.es comme des professionnel.les avec des retours, de la lumière. Et lĂ tu vis des moments incroyables parce qu’il y a des personnes qui se libèrent sur scène, elles vivent des trucs encore plus intenses que les musiciens professionnels puisqu’eux font ça tous les jours et qu’ils ont peut-ĂŞtre perdu cette flamme du dĂ©but. Mais quand ce sont des jeunes ou des plus vieux d’ailleurs, ils sont sur la grande scène du Florida avec tout le monde qui crie, qui les encourage, c’est hyper beau et tu sais que lĂ , potentiellement tu as encore un impact plus fort sur la vie des personnes parce que juste le fait d’ĂŞtre monté·e sur scène, d’être mis·e en avant, en lumière, et bien peut-ĂŞtre que la personne, elle ne se verra plus de la mĂŞme façon. Elle aura probablement juste un petit dĂ©clic qui lui donnera confiance, qui lui dira qu’elle est capable de rĂ©aliser plein d’autres choses, qu’il y a d’autres mĂ©tiers qui sont possibles, et mĂŞme sans dire qu’il faut forcĂ©ment qu’il ou elle devienne musicien·ne ! En tous cas, après cette expĂ©rience elle peut s’autoriser Ă imaginer ce qu’elle a envie d’être un peu au-delĂ de ce qu’on nous propose facilement quand on dĂ©barque dans la vie professionnelle.

 … faire vivre un peu au public ce que moi j’adore dans le concert, dans le spectacle, dans le théâtre, peu importe, mais c’est de vraiment vivre des Ă©motionsÂ
Il y a peu de techniciennes dans le secteur des musiques actuelles. Est-ce que cela t’a questionnĂ© par rapport Ă tes choix professionnels ? Est-ce que vous Ă©tiez sur une paritĂ© en formation ? Comment l’as-tu vĂ©cu ?  Â
Alors je crois que ça ne m’a pas du tout freinĂ©e. Bien au contraire. Je crois que j’ai beaucoup apprĂ©ciĂ© d’ĂŞtre Ă la place de la seule femme de l’Ă©quipe. Tout d’abord parce que je m’entends particulièrement bien avec les hommes. Ça ne me pose aucun problème de travailler dans des Ă©quipes masculines. Je pense qu’au contraire, ça m’a donnĂ© encore plus envie d’ĂŞtre Ă cette place-lĂ . Je me rappelle, en tout cas, qu’au dĂ©but, je me suis vraiment mis une barre haute pour devoir faire comme les hommes. C’est-Ă -dire qu’en termes de physique, j’avais dĂ©cidĂ© que je porterais plus que ce que je pouvais porter !! Au dĂ©but, je ne voulais jamais demander de l’aide pour porter des trucs hyper lourds alors qu’on peut le faire Ă deux et que ce n’est pas nĂ©cessaire de se faire mal. Puis petit Ă petit, je pense que j’ai un peu mĂ»ri lĂ -dessus. En fait, il y a toujours ce moment particulier quand tu intègres une nouvelle Ă©quipe, oĂą les techniciens vont d’abord considĂ©rer que tu n’es pas forcĂ©ment aussi costaude que ce que tu es vraiment. Aussi, il va falloir convaincre les collègues, montrer que tu es capable. Une fois qu’ils ont vu que tu soulevais ça, que tu savais faire ça, il n’y a plus de mĂ©fiance. Mais c’est toujours quand tu arrives dans une nouvelle Ă©quipe que tu dois faire tes preuves d’autant plus que tu es une technicienne ! Je crois que j’ai un peu surjouĂ© la fonction dans l’attitude que j’ai adoptĂ©e, en tout cas au dĂ©but. Et puis il y a aussi un autre aspect qui m’a particulièrement marquĂ© en tant que femme. Quand j’arrive dans une Ă©quipe exclusivement masculine, et ça arrive très rĂ©gulièrement, les blagues, les codes de langage habituels entre eux changent, ils s’excusent de leur forme d’humour parce que je suis lĂ . Et du coup, un peu de la mĂŞme façon, j’ai dĂ©veloppĂ© une certaine surenchère de langage, oĂą je vais ĂŞtre dans l’abus encore plus, pour que ça se dĂ©coince et qu’il n’y ait pas de gĂŞne Ă avoir, si on ne tombe pas dans des propos insultants bien sĂ»r, pour me sentir acceptĂ©e aussi ! Ce sont des choses qui me questionnent rĂ©gulièrement. Par exemple, au Florida dans l’Ă©quipe avec laquelle je travaille actuellement, ce sont deux hommes hyper grands et baraquĂ©s, mais pour autant ils ont Ă©tĂ© tout de suite hyper inclusifs, ils ne m’ont jamais sous-estimĂ©e, ils m’ont mis tout de suite mis Ă la mĂŞme hauteur qu’eux dans le sens physique, puisque bien sĂ»r, je n’ai pas la mĂŞme expĂ©rience qu’eux. La question des capacitĂ©s physiques sur ces mĂ©tiers revient quand mĂŞme rĂ©gulièrement. J’y rĂ©ponds en me disant qu’en fait, de toute façon, ĂŞtre seule Ă porter des charges lourdes, ça ne sert Ă rien, qu’on soit homme ou femme ! En fait, c’est le seul et unique aspect du mĂ©tier qui diffère pour moi, selon qu’on soit un homme ou qu’on soit une femme. Tout le reste, sonoriser, câbler, rĂ©flĂ©chir, comprendre la technique, conduire, etc. en tout ça nous sommes complètement Ă©gaux !

Au dĂ©but, je ne voulais jamais demander de l’aide pour porter des trucs hyper lourds alors qu’on peut le faire Ă deux et que ce n’est pas nĂ©cessaire de se faire mal !
Quels conseils donnerais-tu Ă une jeune femme qui voudrait se lancer dans le son aujourd’hui ?
C’est difficile comme question ! Pour moi, il faut avoir conscience que c’est un mĂ©tier qui fait se dĂ©passer. C’est un mĂ©tier oĂą tu ne peux pas donner de ta personne Ă moitiĂ©, il faut s’attendre Ă devoir montrer que tu en veux ! Il y a aussi un effet gĂ©nĂ©rationnel qui joue sur l’intĂ©gration dans ces mĂ©tiers. Les nouvelles gĂ©nĂ©rations ont davantage l’habitude, voir l’envie, de travailler davantage en mixitĂ©, lĂ oĂą les plus anciennes ne connaissaient qu’un environnement professionnel masculin oĂą tu devais davantage faire tes preuves en tant que technicienne. Et se mettre en avant, montrer que nous sommes-lĂ c’est quelque chose qu’on ne nous transmet pas beaucoup en tant que femme dans notre sociĂ©tĂ© ! Et ce n’est pas qu’une question de confiance en soi, comme on aurait tendance souvent Ă nous le faire croire ! Selon moi c’est une question de rĂ©activitĂ©, de sentir comment ça doit se passer, d’agir en direct, d’être rĂ©actif·ve C’est souvent ça que les employeurs repèrent de mon expĂ©rience. Pour moi qui suis aujourd’hui parfois dans la position de constituer des Ă©quipes techniques, ce sont ces qualitĂ©s que je recherche plutĂ´t que des capacitĂ©s Ă porter des charges de telles ou telles dizaines de kilos ! Il faut effectivement s’attendre Ă donner plus que ce qu’on reçoit en termes de paye, en termes d’heures sacrifiĂ©es, ce sont malheureusement des vĂ©ritĂ©s de ce milieu de la technique du spectacle vivant qui peut ĂŞtre un peu brut, sans distinction de genre d’ailleurs ! J’y ai aussi croisĂ© des techniciennes qui ont pu me sembler brutes ! Il faut ĂŞtre consciente de cet aspect du mĂ©tier et aimer les caractĂ©ristiques de ce milieu qui sont accessibles Ă n’importe quelle femme !
Dans l’idéal et sans limite, ton futur professionnel à 10 ans, comment le vois-tu ?
Je crois que j’aimerais bien participer davantage Ă des crĂ©ations, avec des compagnies, avec des troupes, avec des personnes avec qui humainement j’aime travailler. Imaginer des crĂ©ations, que ce soit en son ou mĂŞme en lumière, je pense que j’ai un peu envie de faire plus de lumière peut-ĂŞtre Ă l’avenir aussi, accompagner des crĂ©ations et jouer dehors, dans n’importe quel type de lieu. Je pense qu’il y a un moment oĂą j’aurais envie de rebifurquer vers le théâtre surtout de rue pour continuer d’aller chercher les spectateur.ices chez eux directement, et essayer de les faire rĂ©flĂ©chir au monde qui les entoure.
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