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What About Her ? – Clémentine Brien

Sep 19, 2023

Si les métiers techniques tendent à se féminiser progressivement, les techniciennes semblent encore peu visibles derrière les consoles son ou au plateau dans les lieux de musiques actuelles. C’est pourquoi cet article vous propose de découvrir le quotidien de Clémentine Brien, régisseuse son, plateau à l’EMB Sannois dans le Val-d’Oise (95).

Direction la grande couronne parisienne à 35 minutes du centre de la capitale pour découvrir L’Espace Michel Berger, plus communément appelé L’EMB. Arrivé·e à Sannois vous ne pourrez pas le rater, sa façade se distingue aisément par ses couleurs vives et son graphisme, signature du rappeur Grems et de son Anyway studio. Déjà 30 ans que l’EMB fait vibrer Sannois, trois décennies qui lui ont permis d’accueillir et de faire découvrir plus de 12 000 artistes et de devenir une scène incontournable du Val-d’Oise et bien au-delà, en faisant fi du dicton qui dit que la curiosité serait un vilan défaut !! Mais l’EMB ce n’est pas que des concerts, c’est aussi 250 jours de résidences par an qui permettent de soutenir et d’accompagner la création musicale, l’émergence artistique et surtout de faire découvrir dès leur début de carrière, de nombreux artistes qui ont fait leur chemin depuis (Aloïse Sauvage, Silly Boy Blue, Jidde et bien d’autres…). Enfin, entre tout ça, l’EMB c’est aussi l’occasion de la découverte des pratiques artistiques par différents projets de médiation qui vont à la rencontre des personnes dès leur plus jeune âge, avec des partenaires du territoire.

Pour vous proposer ce bouillonnement artistique et culturel, l’EMB c’est surtout une équipe d’une dizaine de personnes qui concoctent au quotidien des rendez-vous hors les murs, dans les écoles, les écoles de musique, les prisons, sur scène avec la scène locale ou plus lointaine, dans les bureaux, mais aussi dans l’ombre des métiers de la technique du spectacle. C’est, entre autres, le cas de Clémentine Brien que nous avons rencontrée.

Entretien avec Clémentine Brien

Peux-tu présenter tes fonctions au sein de l’EMB ?

Mon poste, c’est la régie son/plateau, ça consiste principalement à accueillir les équipes artistiques et leur équipe technique – s’ils en ont une. Si le groupe ou l’artiste est émergent, je les accueille, les installe sur scène et les accompagne techniquement pendant leur résidence ou leur concert, en gros je « fais leur son ». Je gère aussi la technique sur les actions culturelles, c’est-à-dire qu’on se déplace dans les écoles, les foyers, les prisons pour faire de la médiation culturelle. Enfin, j’ai aussi des missions un peu plus de « bureau », je gère les plannings des équipes techniques et la maintenance du matériel.

Pourquoi et comment as-tu eu envie de devenir technicienne son ?

À la base, je suis musicienne, je fais du saxophone. Je viens de Normandie, d’un coin où il n’y a pas de salle de concert, c’est un peu le désert en termes de musique donc quand je suis partie faire mes études supérieures dans une plus grande ville, j’ai découvert les salles de concert, les festivals et donc les métiers qui se cachent derrière, que je ne connaissais pas. À l’époque je m’étais lancée dans des études d’Histoire – rien à voir – et j’ai décidé d’arrêter pour entrer dans une école spécialisée dans le domaine du son et de la vidéo, à Paris.

La première fois que je suis allée au festival des Papillons de Nuit, je me suis dit ″ je veux faire ça de ma vie ″

Est-ce que parmi les personnes que tu voyais derrière les consoles, tu as croisé des filles à l’époque auxquelles t’identifier ?

Non et je ne me posais pas vraiment la question à ce moment-là, c’était des sujets dont on ne parlait pas beaucoup à l’époque. Ça ne m’a pas choquée qu’il n’y ait pas de fille derrière les consoles en revanche quand j’ai commencé mes études, là j’ai été frappée de voir à quel point nous étions peu, sur une classe de 50 personnes, on devait être 6 ou 7. Je me rappelle m’être dit « ok, j’intègre un milieu qui va être très très masculin et il va falloir que je m’y fasse une place ». Mais finalement, je n’ai pas été confrontée à du sexisme assumé, ça passait plutôt par du sexisme « positif » où on me dit que j’ai une certaine sensibilité dans la façon dont je fais le son, ou fatalement au moment de décharger un camion, on propose de faire à ta place… Mais globalement, j’ai toujours été bien accueillie.

Comment as-tu débuté ce métier ?

J’ai eu un parcours assez court au final, j’ai eu de la chance. J’ai donc fait trois années d’étude à l’EMC, deux ans de TSMA (Technicien·ne son pour les musiques actuelles) et un an d’ISMA (Ingénieur·e du son pour les musiques actuelles). J’ai réalisé mon stage de fin d’études à l’EMB, à la fin duquel j’ai été embauchée en CDI. La personne qui était en poste avant moi est partie quand j’ai fini mon stage donc j’ai été embauchée pour la remplacer. Comme mon stage avait duré plus d’un an, je connaissais déjà la salle par cœur et j’étais déjà intégrée aux équipes en place donc c’était facile.
À côté de mon poste à l’EMB, j’accompagne des artistes en développement, quand ils font des dates à l’extérieur et je fais un peu de remplacements sur des tournées, quand je suis disponible. L’été je profite des congés et de la fermeture de l’EMB pour travailler sur certains festivals, je rencontre beaucoup de gens, c’est super bénéfique pour moi.

Est-ce que tu constates des différences entre le travail que tu fais à l’EMB et en festival ou tournée ?

C’est plutôt avec les artistes qu’il y a une différence, parfois je les accompagne sur une date donc on n’a pas vraiment le temps de se connaître, donc ça n’a rien à voir avec des artistes que j’accompagne en résidence à l’EMB ou avec l’équipe. Il faut aussi faire plus attention avec qui tu travailles, en tant que fille, il y a des groupes ou artistes pour lesquels on sait qu’il y a des histoires, alors qu’à l’EMB, je sais qu’il y a mon équipe qui me soutient en cas de problème donc c’est très différent.

Tout le monde n’est pas ″meuf friendly dans le son″, mais ce genre d’infos circulent très vite dans les réseaux

Qu’est-ce que tu aimes le plus dans ton métier ?

C’est faire du son ! Notamment le son de façade (FOH), j’aime aussi beaucoup faire de l’accompagnement de groupes en développement, une activité qu’on a pas mal développée à l’EMB. C’est aussi comme ça que je rencontre des groupes avec lesquels je fais quelques dates à l’extérieur. J’adore les aider à monter un live du début à la fin, les aiguiller techniquement, mais pas que.

Et qu’est-ce que tu aimes le moins ?

Hum… la question c’est est-ce qu’il y a vraiment quelque chose que je n’aime pas dans mon métier ? (rires) Si, je dirais la maintenance, c’est ce qui m’intéresse le moins parce qu’il n’y a pas d’humain, on est un peu isolé à faire ses petites réparations.

Enfin, est-ce qu’il y a des personnes qui t’ont inspirée pour te diriger vers ce métier ?

C’est plus le fait d’être allée en festival, en concert qui m’a inspiré ce parcours, dans mon entourage, personne ne faisait ce métier donc ce n’est pas une personne en particulier. Quand je suis arrivée à l’EMB, j’ai rencontré Zouki, le régisseur général qui a été un peu mon mentor sur mes années de stage et encore maintenant. J’ai énormément appris avec lui, il m’a motivé à poursuivre dans ce métier à l’EMB, mais aussi à créer mon propre réseau, etc.

Est-ce que tu aurais un conseil à donner aux jeunes techniciennes qui voudraient faire ce métier ?

Je dirais que c’est un métier dans lequel il faut se lancer avec passion. Il ne faut pas forcément compter ses heures au début – mais attention, sans se laisser avoir – ni se mettre des barrières parce qu’on est une fille. Si on aime ça, il faut se lancer sans regarder les préjugés, donner de son temps et tout se passera bien.

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