What About Her ? – Claire Zins
Vivre une vie artistique, jouer dans un groupe et partager cette énergie collective : c’est ce qui anime Claire Zins depuis toujours. Mais loin de garder ses rêves d’adolescente comme de simples vœux pieux, Claire a su leur donner corps, sur scène comme en dehors, aux côtés d’autres artistes du Grand Est, territoire où elle a grandi. Guitariste et chanteuse, elle est aussi responsable de l’accompagnement artistique à La Souris Verte à Épinal. Guidée par l’envie de relier les personnes autour de la musique, de défendre l’indépendance, c’est l’engagement d’une vie en musique que nous partage Claire Zins.
Nichée au cœur d’Épinal, La Souris Verte est la scène de musiques actuelles (SMAC) du territoire vosgien qui a fêté ses vingt ans de musiques actuelles. Avec ses deux salles de concert de 500 et 150 places, ses six studios de répétition, ses pôles accompagnement, résidences et actions culturelles, elle est à la fois un lieu de diffusion, de création et de transmission pour la scène locale et bien au-delà. Ancrée sur le territoire, le projet de la Souris Verte entend résonner avec les enjeux culturels et sociétaux contemporains et rester un espace de rencontres et d’expérimentations pour tous et toutes !
« 30 ans et des principes toujours bien ancrés en faveur de la diversité artistique et culturelle, de l’égalité des genres, de l’accès à la culture pour le plus grand nombre, de l’accueil et l’accompagnement pour toutes et tous, de la coopération et la solidarité. »
Entretien avec
Claire Zins
Quel est ton métier aujourd’hui ?
Claire : Je suis responsable du pôle développement d’artistes et de l’accompagnement des musicien·nes de la Souris Verte à Epinal. Ça, c’est un de mes métiers. Et mon autre métier, c’est d’être musicienne !
Qu’est-ce qui t’a donné envie de devenir musicienne ?
J’écoute de la musique depuis toujours, mes parents sont très « musique », ils en écoutent aussi beaucoup. Ce sont des personnes qui ne m’ont jamais poussée à faire de la musique, à jouer d’un instrument en tant que tel, mais je sais qu’assez tôt, mon rêve c’était d’avoir un groupe de musique, sans savoir pour autant, quelle forme ça allait prendre ou comment faire!. Il se trouve que c’est mon oncle qui m’a offert une guitare. J’ai commencé à jouer un peu comme ça, toute seule, et ce n’était pas bien fameux ! Et puis en fait, j’ai rejoint mon premier groupe de musique, d’ailleurs le seul projet musical que j’ai actuellement, quand j’avais 15-16 ans. Au départ j’étais guitariste et chanteuse, après autocensure, et j’ai choisi d’être juste chanteuse. Là, ça fait un an que j’ai repris la guitare sur scène, après bien 10 ans d’arrêt. Mais en y repensant c’était une conviction depuis toujours, je savais que je voulais avoir une vie artistique peu importe ce que ça allait être ! J’ai aussi fait énormément de théâtre, ça me plaisait beaucoup , mais la musique, c’est vraiment, je pense, le milieu artistique qui me plaît et me touche le plus ! Et puis, écoutant beaucoup de musique rock, je me suis naturellement orientée vers ces esthétiques musicales-là.
Depuis toute petite, je savais que je voulais avoir une pratique artistique qui occupe une place centrale dans ma vie !
Comment as-tu avancé ou progressé dans ta pratique musicale ?
J’ai pris des cours pendant cinq ans. Et après, j’ai arrêté à partir du moment où je suis allée en études supérieures. J’ai continué « vite fait ». Puis en fait, j’ai arrêté, j’avais honte de mon niveau ! J’ai recommencé un peu à jouer timidement pendant le Covid parce que je m’ennuyais beaucoup. Et même si ce n’était pas suffisant, c’est à partir du moment où je me suis dit que mon objectif était de refaire de la guitare sur scène, que j’ai recommencé à réellement travailler ma guitare toute seule ! Et puis j’ai repris quelques cours avec un ami, mais globalement je suis souvent seule dans ma pratique, j’essaie de m’adapter aux objectifs que j’ai !
Comment as-tu rencontré le groupe au sein duquel tu joues? Comment s’est-il constitué ?
Alors, ce groupe s’appelle The Nucleons Project. Il est né au lycée autour d’un noyau d’amis proches. Actuellement, nous sommes quatre dont trois à être là depuis le début, depuis 13 ans ensemble ! Le batteur, le bassiste et moi-même. Et ça avance comme ça ! Il y a eu des personnes qui sont venues, qui sont reparties, des personnes avec qui ça ne l’a pas fait. En fait, ça n’a pas tant changé, finalement, vu que la majorité du groupe est la même depuis 13 ans ! Je sais qu’il y a plein de groupes qui arrêtent à partir des études supérieures, mais ça n’a jamais été une option pour moi. À partir du moment où j’avais ce projet, je me suis dit « il va falloir qu’on avance et je vais articuler ma vie autour de ce projet ». C’est encore le cas actuellement d’ailleurs ! C’est un peu notre pacte à tous les trois ! Après les premiers moments de jeu ensemble, nous nous sommes dits que quoi qu’il arrivait, ce serait le groupe, la musique qui allait primer sur notre vie . Après, on n’a forcé personne ! A un moment donné les personnes qui n’ont pas voulu suivre n’ont pas suivi, ce est pas grave ; mais c’est ce pacte-là qui nous lie ! On est sûrs de nous, on sait ce qu’on veut donc on fait en sorte de ne pas habiter trop loin les un·es des autres, d’avoir des répétitions régulières, de travailler ensemble. Et comme nous sommes complètement indépendant·es on organise nos répétitions, nos concerts d’une certaine manière pour réussir à conjuguer musique et vies professionnelles et personnelles !
Combien de dates faites-vous à peu près chaque année ?
Ça dépend, mais c’est souvent une petite trentaine de dates par an. C’est déjà pas mal ! On joue autant dans des bars, des festivals, que dans des salles. On a eu aussi quelques belles dates cette année ! Nous avons fait une première partie à la Cartonnerie à Reims. On a joué dans plein d’endroits dans le Grand Est, mais aussi ailleurs en France. Nous avons retravaillé l’image du groupe, nous l’avons fait évoluer. Nous avons eu des changements de line-up ces dernières années, mais là, on a retrouvé une stabilité depuis un an et demi. Donc c’est bien ! On arrive à cheminer comme ça et c’est très chouette.
Et alors, pour l’autre partie de ta vie, comment es-tu devenue responsable du pôle accompagnement de La Souris Verte ?
Je suis arrivée à La Souris Verte en 2019-2020, par le biais d’un service civique au sein des studios de répétition. J’ai été retenue, je pense, grâce à mon profil artistique. Ça a été une très chouette année ! Et puis, en fait, la Souris Verte m’a proposé le poste parce que la personne qui s’occupait de l’accompagnement allait partir à la retraite. Ça s’est fait un peu comme ça !.
J’ai accepté le poste et j’ai été nommée responsable du pôle. Et maintenant à La Souris Verte je mets en place les ateliers, formations, sessions d’information pour les musicien·nes : les rendez-vous diagnostics et stratégiques, les accompagnements artistiques et techniques, le coaching scénique, les accompagnement à la répétition. Quand j’ai les compétences pour répondre aux besoins des artistes, je réalise les accompagnements, quand je ne les ai pas, je fais appel à d’autres personnes. Je suis souvent au contact direct des musicien·nes et ça me plaît beaucoup ! Je suis aussi responsable de la prévention des violences sexistes et sexuelles au sein de la structure.
Sur la partie accompagnement, je ne cache pas le fait que je suis musicienne aux personnes que j’accompagne. Ça me permet de leur partager mon expérience directe. Le fait que moi aussi j’ai galéré, que je me suis beaucoup trompée et que j’ai cherché des chemins pour continuer à faire de la musique ! Finalement, je fais les choses dont j’aurais aimé bénéficier en tant que jeune musicienne ! J’ai élaboré des techniques sur le booking, sur la définition de la direction artistique par moi-même. Je n’ai pas vraiment eu de formation là-dessus, mis à part sur l’entrée pédagogique. Je pense que ça plaît à beaucoup de groupes cette partie plus concrète, avec quelqu’un qui est passé par là ! Je leur partage tous les outils avec lesquels je travaille en tant que musicienne indépendante pour le développement de notre groupe. Et puis j’ai vu énormément de concerts et que j’en ai fait beaucoup aussi, ça me permet d’avoir une certaine assise des deux côtés du métier !
En fait j’ai trouvé ça très étonnant quand je suis arrivée dans ce secteur, qu’il n’y ait pas plus de femmes, mais je n’en n’avais pas forcément conscience avant.
Si tu devais décrire ton métier à La Vapeur, à quelqu’un qui ne connaît pas forcément tous les rouages des lieux de musique actuels, comment lui présenterais-tu tes tâches, tes fonctions au quotidien ?
Au sein de La Vapeur, je suis à la fois sur la régie des studios, mais aussi sur l’accompagnement artistique. J’accompagne les musicien·nes dans le développement de leurs projets, leur structuration ; je les aide à mieux comprendre l’écosystème des musiques actuelles, quelle peut y être leur place, comment s’y insérer, etc. Avec l’équipe, je pilote des projets créations éphémères avec des artistes locaux pour des événements spéciaux. Nous réfléchissons à des ateliers pour les musicien·nes. En ce qui concerne la partie régie studio, pour moi elle est pleinement en lien avec l’accompagnement, puisqu’en fait, la première étape pour un·e musicien·e, un groupe ça va être aussi de répéter en studio ! Cette partie-là de mes fonctions est un peu plus technique. On aide les musicien·nes à s’installer, à se protéger des nuisances sonores liées à l’amplification. L’association de ces deux endroits de travail, l’accompagnement à la répétition et l’accompagnement artistique, me permet également de mieux connaître les groupes locaux, de voir comment ils répètent, de mieux les conseiller dans le développement de leur projet, je trouve ça pertinent ! Il y a aussi l’accompagnement des groupes locaux en résidence, que ce soit en studio ou sur scène. Il faut gérer bien sûr tout ce qui relève de l’organisation, des planning, mais également aussi de tous les besoins matériels. Il y a également la partie résidence dans le club ou dans la grande salle de la Vapeur. Dans ce cas-là, nous embauchons le plus souvent un ou une technicien·nes, mais ça peut arriver qu’on fasse nous-mêmes un accueil technique léger. Il faut alors s’organiser pour que la salle soit prête quand le groupe pousse les portes ! Si je devais choisir quelques mots pour présenter mon métier, je vois en tout cinq grandes parties : accompagnement, création, résidence, ateliers-programmations, et studios !
Qui sont les groupes qui répètent à la Vapeur en termes par exemple de styles esthétiques de répartition genrée, comment les observes-tu ?
A la Vapeur, nous utilisons le logiciel Quick Studio comme beaucoup d’autres lieux de musiques actuelles avec des studios. Ce logiciel permet, si nous le renseignons bien, d’avoir un suivi des esthétiques, des genres, des âges, etc., pour les groupes qui répètent dans nos studios. Ça nous sert aussi beaucoup pour les bilans de fin d’année, ça nous permet d’avoir une vision globale des musiciens et musiciennes qui répètent à la Vapeur. Après ça m’arrive souvent que des musiciennes viennent me voir pour justement discuter de comment moi je ressens le fait d’être isolée en tant que femme dans ces métiers-là. En fait j’ai trouvé ça très étonnant quand je suis arrivée dans ce secteur, mais je n’en avais pas forcément conscience avant.
Qu’est-ce qui te fait le plus vibrer dans ton métier ? Quand est-ce que tu te dis, ah oui, là, je suis à ma place ?
Ce qui est plaisant, c’est que je pense à beaucoup de moments ! Je me rappelle l’un des premiers accompagnements en résidence que j’ai mené en autonomie. A la Vapeur, nous organisons deux scènes chaque trimestre, « Les grands bains » et les « Support your local band ». Ces dispositifs favorisent le repérage de groupes locaux et les accompagnent, le plus souvent, à leur première scène. Et la première fois que j’ai réalisé un accompagnement scénique avec un groupe repéré par le dispositif des grands bains, et nous sommes arrivés au jour J du concert, on avait beaucoup travaillé avant et l’un des musiciens m’a dit : « je me sens en confiance, je sais qu’on a énormément bien travaillé, que ce soit dans le son ou que ce soient mes déplacements sur la scène, je sais que ça va bien se passer ! ». Et puis, en fait, il a trop kiffé d’être sur scène et ça l’a motivé encore plus pour développer son projet. À ce moment-là, je me suis dit, « quelle satisfaction totale de le voir aussi heureux, motivé, et de voir qu’en fait, j’ai accompli aussi ma mission. D’avoir apporté ma pierre à l’édifice de ce projet, j’aime bien cette expression car elle traduit vraiment ce que je ressens ! Ce type de petit moment de gratitude, ça ne dure pas longtemps, vraiment, mais ça suffit pour en fait continuer à faire en sorte que d’autres groupes soient aussi motivés à développer leurs projets et à se professionnaliser !
Je leur montre la carte de France avec laquelle je fais le booking de mon propre groupe, comment on travaille, on répète ! C’est aussi très réciproque.
Tu évoques ta formation, quel parcours as-tu suivi ?
Au niveau universitaire, j’ai fait deux ans d’information-communication, qui me sont toujours utiles ! Après, j’ai fait une année de licence professionnelle de production et d’administration des musiques actuelles. Par ce biais je suis rentrée dans ce secteur, même si au final je ne fais ni réellement de prod, ni vraiment d’administration dans ma structure, mais c’était hyper intéressant de découvrir ces volets-là. Et après, j’ai fait deux ans de master, : une première année en arts et culture et une deuxième année axée sur la direction de projet d’établissement culturel et la gestion de projets. C’était vraiment plus intéressant ! Sinon depuis que je suis à La Souris Verte, j’ai suivi la formation de musicien·ne conseil proposée par le RPM, qui m’a apporté des notions de pédagogie. Je la recommande à quiconque veut travailler dans l’accompagnement, elle est vraiment géniale !
Au sortir de tes études, tu imaginais accompagner des groupes à ce moment-là ?
Pas du tout !
Tu étais alors dans la musique et tu souhaitais le rester ?
Je ne savais pas vraiment, il y avait plein de métiers qui s’offraient à moi, à la suite de mon parcours universitaire. Après, en termes de stage ou d’alternance, j’ai été autant chargée de production, qu’assistante de communication. J’ai travaillé dans une association, mais j’ai aussi travaillé à la direction de la culture de la ville de Dijon. J’ai essayé de voir différents cadres, plus institutionnels, moins institutionnels. Et puis mon service civique à La Souris Verte, en fait, m’a permis de voir une structuration qui soit un peu entre les deux, entre l’associatif et la collectivité publique.
J’avais vu la mission autour des studios dans le cadre de ce service civique. Je me suis dis que je ne serai pas en terre inconnue et que j’allais apprendre beaucoup aussi. J’allais être en contact avec les groupes, ça me semblait intéressant. Mais de prime abord, je ne pensais pas me diriger vers l’accompagnement. Par contre, à partir du moment où j’ai mis un pied dans l’accompagnement, je me suis dit « c’est ça qui me plaît en fait ! ». A cette période j’étais en pleine réflexion sur le fait de travailler dans la culture ; je me demandais vers quel type de structure, m’orienter ? Travailler dans des plus « grosses » institutions, des milieux plus associatifs, alternatifs, mais aussi fragiles ? En fait, je viens d’un milieu musical vraiment indépendant, underground, je me suis vraiment retrouvée dans ces fonctions d’accompagnement. J’y ai compris que mon épanouissement professionnel se situe dans le fait d’aider des gens à réaliser leurs projets en fait ! Mais ça m’est tombé un peu dessus ! Finalement j’en suis très heureuse, peut-être que c’est venu inconsciemment ? J’ai trouvé ça vraiment très intéressant de rencontrer des musicien·nes qui arrivent soit avec une petite idée, soit sans aucune et on imagine ensemble comment les aider à aller plus loin, à réaliser leur projet. Ce qui est le plus intéressant pour moi actuellement, en 13 ans de pratiques musicales, de belles réussites et en même temps d’attentes, de frustrations, c’est que j’ai appris énormément sur l’état d’esprit dans lequel on est en paix ou pas avec soi-même.
En fait ce qui m’intéresse le plus dans la relation avec les groupes que j’accompagne, ce n’est pas tant de les emmener sur les plateformes de diffusion type Printemps de Bourges ou autre dispositif – et d’ailleurs s’ils y vont c’est génial – mais moi ce qui m’anime, c’est davantage de les pousser à se questionner sur le pourquoi. Pourquoi est-ce qu’ils font ça ? Pourquoi c’est important pour elles et eux. Qu’est-ce que ça veut dire pour elleux de faire carrière ? Ca me semble important d’échanger sur le fait qu’ il n’y a pas qu’un seul chemin dans la musique. Il n’y a pas que le fait d’en vivre et de faire ça H24 et d’avoir un succès immense qui marche en fait ! De leur ouvrir la possibilité de réfléchir au fait qu’on peut avoir une carrière toute sa vie en faisant qu’un concert par an, ça reste une carrière quand même et ça dépend de ce qu’on veut dans sa vie !
Lors de mes rendez-vous diagnostics avec les groupes, c’est assez rigolo, mais au début de nos échanges, une très grande majorité de musicien·nes m’affirment qu’ils et elles veulent devenir professionnel·les. Et plus on creuse ensemble sur ce que ça implique, sur leurs réelles envies, ils et elles reviennent un peu de cette vision d’un épanouissement artistique qui ne serait que professionnel. Ça me plait beaucoup de déconstruire ces représentations qui peuvent aussi freiner des personnes dans leur pratique musicale. Il y a un petit côté psychologue finalement dans tout ça ! Et ce que je trouve hyper intéressant dans ces questionnements c’est qu’en se posant ces questions, on sort de cet esprit de compétition qu’il peut y avoir dans la musique. Je l’ai vécu de la part de groupes avec qui j’ai cheminé dans mon écosystème musical. Je n’aime pas du tout ce genre de relation basée sur la concurrence, la compétition. Même dans le sport, je n’ai jamais adhéré à cet état d’esprit. Surtout que la réussite des autres ne m’enlève rien, ça, c’est important pour moi !. Ce sont des choses que j’essaie aussi de partager dans les accompagnements. Et en fait, je rencontre beaucoup de groupes qui, au départ, sont plus dans cette optique-là, de jalouser les autres, de se dire “pourquoi des choses bien ne m’arrivent pas”. J’essaie de réfléchir avec eux sur leur vision des choses, de leur partager que si dès le départ ils sont dans la négativité, ce sera plus difficile de percevoir ce qui se passe autour d’eux, de réceptionner le positif. Cette posture-là, ne permet pas de construire quelque chose d’épanouissement, de constructif ! Ce sont ces valeurs que j’essaye de partager avec les groupes que j’accompagne. Sinon c’est tellement triste !
Les groupes ont vraiment tout à gagner à s’unir et à s’entraider, même s’ils font des styles différents, ça ne pourra toujours que leur apporter !
Qu’est-ce qui te fait le plus vibrer dans ton quotidien professionnel ?
Le moment où je suis la plus heureuse, c’est vraiment sur le terrain, quand je vais discuter réellement avec les porteur·ses de projets et que ça commence à avancer, qu’ils ou elles me disent « j’ai réussi à avoir ou faire ça et ça, ou ça c’est trop bien, ça m’a vraiment aidé !». J’aime bien construire des parcours avec eux, mais j’aime bien aussi voir qu’ils et elles se détachent de moi et de mon expertise et qu’ils ou elles commencent à se débrouiller tout·es seul·es, ça c’est vraiment trop bien ! Et puis j’en recroise à droite, à gauche, et à la fin, ils ou elles me racontent un peu leurs aventures, ce qui s’est passé pour elleux. Avoir ces retours-là et voir que ces musicien·nes arrivent à voler de leurs propres ailes, ça, c’est génial ! Pour moi c’est vraiment un truc de ouf !
Et j’imagine que tu as dû constater, dans tes réseaux professionnels, tes formations pédagogiques, qu’il n’y a pas beaucoup de femmes, de personnes minorisées de genre, chargées d’accompagnement artistique dans les musiques actuelles.
Oui, c’est vrai.
Comment, le vis-tu ? Comment chemines-tu dans cet univers assez masculin finalement ?
Les autres chargé·es d’accompagnement du territoire sont majoritairement des hommes, mise à part Delphine Colnot qui est chargée de l’accompagnement et du soutien à la création à L’Autre Canal à Nancy. Je m’entends assez bien avec eux. C’est vrai qu’on n’a pas non plus tous les mêmes manières de travailler. Je ne ressens pas de choses particulières vis-à-vis de ça. En fait, je ne me suis tout bonnement jamais posé la question ! Ça m’a peut-être facilité le fait d’aller là où j’avais envie … ? Par contre, par rapport aux groupes, au début de ma prise de poste, il a fallu que je fasse ma place, après une personne historique sur cette fonction et sur Epinal. C’était un homme, qui a beaucoup œuvré auprès des groupes du territoire, il a fallu que je dépasse des petites remarques, des réflexions qui sous-entendaient que je ne connaissais pas mon métier.
Il y avait un peu ce truc de me juger, de douter de mes compétences surtout quand j’étais face à des groupes d’hommes d’un certain âge. C’était le temps qu’on me connaisse ! Pendant peut-être une année, on m’a vue un peu comme “la meuf qui était aux studios”. Il a fallu que je fasse ma place, ça c’est sûr.! Mais honnêtement, j’ai eu aussi beaucoup de chance parce qu’à La Souris Verte, je n’ai pas rencontré trop de freins vis-à-vis de ça. Et on m’a beaucoup laissé faire les choses à ma manière. On m’a laissé développer vraiment ma façon de travailler et ma façon de voir l’accompagnement, qui n’est pas forcément la même que mes collègues d’autres structures. J’ai beaucoup apprécié.
Il y avait un peu ce truc de me juger, de douter de mes compétences surtout quand j’étais face à des groupes d’hommes d’un certain âge
Je sais qu’il y a des groupes féminins qui sont adressés à moi parce que je suis une femme et que ça les a rassuré par rapport au fait de s’engager dans un accompagnement. Il y a aussi des groupes entièrement masculins qui sont venus me voir en me disant qu’ils aimaient travailler avec moi parce que j’avais une approche bienveillante, à l’écoute, en attention de leurs besoins spécifiques en termes d’accompagnement. Ce que j’essaie d’incarner, c’est qu’il n’y a pas de peur à avoir vis-à-vis de moi, vis-à-vis de l’accompagnement. Je ne veux surtout pas induire qu’il faut mériter d’être accompagné·e quand on est musicien ou musicienne. Cela doit être possible et accessible pour toute personne qui en a envie !
Quel conseil donnerais-tu à une jeune femme qui aimerait faire ton métier ?
Fais-le ! Sincèrement, c’est mon conseil. Prendre les conseils d’autres personnes, ça peut être bien, mais il faut faire son propre chemin. Après, j’ai l’impression d’enfoncer une porte ouverte quand je dis cela, mais je pense que ce métier est accessible, qu’on soit musicien, musicienne ou pas ! Ce n’est pas le plus important ! Il faut surtout écouter les personnes ! Le plus important pour moi dans ce métier, c’est d’avoir une posture neutre. En fait, on n’est pas là pour juger de la qualité artistique d’un projet en tant que tel si on peut appeler « qualité » le fait qu’un projet nous plaise ou pas. En fait ça n’a aucune importance ! Je conseillerai de garder cette posture-là, de la neutralité vis-à-vis des projets, même si on a toujours une appétence pour certains styles et certaines personnes avec qui on a plus de feeling, c’est normal ! Il ne faut pas hésiter à se lancer. Et, si on se rend compte que ça ne nous plaît pas, on peut faire d’autres choses, ce n’est pas dramatique. Je conseillerai aussi d’être essentiellement sur le terrain et en contact avec les artistes avec qui on travaille. C’est important ! Je pense qu’on ne peut pas faire ce métier si on ne connaît pas vraiment les personnes. Moi, en tout cas, je sais que je ne me verrais pas proposer un parcours d’accompagnement à un groupe sans les avoir rencontré, ni avoir vraiment pris le temps de discuter avec elleux. Je n’ai pas envie que ce soit service après-vente. J’ai besoin, à minima, d’avoir un rendez-vous avec la personne pour discuter et prendre toute la mesure de ses envies et lui proposer un accompagnement personnalisé au plus juste de ses besoins.
Comment imagines-tu ton futur professionnel dans 5 ou 10 ans ?
Dans 5 ou 10 ans, je nourris personnellement l’espoir que ma casquette d’artiste soit un peu plus développée et ne plus avoir forcément à travailler dans une structure. Néanmoins, je sais que tout ce qui va être coaching, accompagnement à la répétition et aide à la stratégie de développement de groupe, j’aimerais le garder ! En fait, aider les autres à réaliser leurs projets, c’est vraiment un truc qui me plaît ! Dans 5 à 10 ans, tout ça va dépendre de plein de choses, mais le fait d’être encore plus sur le terrain et de travailler vraiment davantage avec les groupes sur leur musique, intervenir un peu plus sur les aspects artistiques et stratégiques ça me plairait énormément !
Merci Claire, et pour finir dans les groupes locaux que tu accompagnes que tu croises sur les plateaux, est-ce que tu as un ou des coups de cœur à nous faire découvrir ?
Les groupes que j’accompagne, je les soutiens tous !
A la Souris Verte, nous avons un dispositif d’accompagnement intensif, sur deux ans, qui s’appelle Echo !. Ces groupes-là, j’ai été beaucoup plus en contact avec eux de manière répétée depuis ma prise de fonction il y a trois ans. C’est sûr que ces projets-là m’ont peut-être un peu plus marquée parce qu’on a créé un réel lien sur ces deux années ! Donc je vais tous les citer ! Il y avait SLS, c’est un groupe de rap des Vosges. La Petite Fosse, qui vient de Saint-Dié-des-Vosges, ce sont les premiers que j’ai accompagnés. Et là sur la nouvelle saison du dispositif, on accompagne The Maniax, qui m’impressionnent par leur motivation et ce qu’ils mettent en place ! C’est vraiment trop trop bien de les voir éclore petit à petit et se poser des questions sur leurs projets. Et le dernier groupe que j’accompagne dans le cadre de ce dispositif s’appelle Anthemeza qui est un groupe mixte, blues jazz, c’est aussi très intéressant de travailler avec elleux !.
Et puis j’ai aussi envie de citer un groupe qui s’est formé à la suite de la première édition des Flammes Sonores, notre music camp en mixité choisie, qui s’appelle Bagarces, qui a joué plusieurs fois à la Souris Verte, et c’était très fort !
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