Les Flammes sonores : brûler les codes et raviver la confiance en collectif !
L’étincelle des Flammes sonores a jailli en 2022 des réflexions de Claire Zins, musicienne engagée qui venait d’être embauchée à la Souris Verte, à Epinal, en tant que responsable du pôle développement d’artistes.
Cet espace en mixité choisie, le temps d’un intense weekend, permet aux musiciennes des Vosges de marcher sur les braises de la pratique musicale, de s’essayer à d’autres instruments, de jouer ensemble et aussi d’expérimenter la force du collectif !
C’est avec Claire Zins que nous découvrons comment les Flammes sonores réchauffent les studios de répétition de la Souris Verte et font jaillir de nouvelles énergies créatives !
Depuis 2014, La Souris Verte transforme l’ancien cinéma Palace d’Épinal en un lieu vibrant de musiques actuelles. Au-delà de ses missions de scène de musiques actuelles, fidèle à la tradition de l’image de la cité d’Epinal, la Souris Verte s’attache aussi à développer les liens musiques actuelles & arts visuels sur son territoire. Entre énergie musicale et engagement local, La Souris Verte fait battre le cœur de la création dans les Vosges.
Rencontre avec
Claire Zins
Peux-tu nous présenter en quoi consiste les Flammes sonores en quelques mots ?
À la base, les Flammes Sonores, c’est un moment en mixité choisie, de pratique musicale pour les femmes et les minorités de genre. Ça se passe habituellement sur un week-end du mois d’avril. Au départ, nous étions centrées juste sur le week-end et au fur et à mesure des éditions, nous avons ajouté d’autres actions pendant l’année, avec trois séances de pratique en studio de répétition avec une intervenante par exemple. Et, on met aussi les studios de répétition à disposition des musiciennes. Nous avons également créé une boucle WhatsApp pour les musiciennes qui ont déjà participé aux Flammes Sonores qui me permet, entre autres, de les prévenir quand les studios sont disponibles pour elles. Mais le cœur du projet se passe sur le week-end du mois d’avril où il peut y avoir autant des conférences que des débats, de la pratique musicale en petit groupe, de la découverte instrumentale, des jams, etc. Les Flammes c’est un peu le mix de tout ça !
Comment as-tu eu l’idée de créer les flammes sonores ? De quelles envies, quels constats est né ce projet ?
En fait, c’était pendant ma deuxième année de master, ma dernière année d’études. J’ai travaillé sur la question des femmes dans le rock des années 50 à nos jours, c’était il y a cinq ans. Comme c’était le Covid, j’ai eu l’opportunité en termes de temps, de discuter avec différentes artistes dont quelques-unes qui m’ont parlé d’un projet qui s’appelle Salut les Zikettes, qui se déroule essentiellement à Paris ou en Île-de-France. J’ai regardé ce que je trouvais en ligne sur Salut les Zikettes et je me suis dit « Waouh, qu’est-ce que c’est que ça, c’est pas mal ! » Et puis ça a raisonné particulièrement chez moi, car je suis aussi musicienne. A l’époque, je me suis dit que ce serait vraiment bien qu’il y ait plus d’initiatives comme ça. Et en fait, je suis arrivée à la Souris Verte l’année d’après, en service civique, et j’y ai fait mûrir l’idée. Puis, quand j’ai été embauchée, j’en ai parlé plus franchement à ma direction en disant que ce serait bien qu’il se passe un truc comme ça dans la structure, parce que, dans le Grand Est, j’avais eu beau chercher, je n’avais pas trouvé d’initiative qui ressemble à celle-ci de près ou de loin, à l’époque. Le but, ce n’était pas du tout de copier « Salut les Ziiquettes « ! Mais d’initier un moment pour les musiciennes sur ce territoire. Je me suis dit, commençons déjà par organiser un moment en mixité choisie, un atelier, peu importe quelle forme ça prendrait, ça pourrait être vraiment bien. Et finalement, ça a pris une forme un peu hybride : un week-end de pratiques musicales avec différents ateliers, différentes façons de faire de la musique. Je dirais donc que les Flammes sonores viennent plus d’une conviction personnelle à la base, et d’un engagement vis-à-vis de toutes ces thématiques-là. Et comme à la Souris Verte, les personnes qui étaient à la direction à ce moment-là ont vraiment accueilli l’idée du projet de manière très positive, et bien, ça s’est fait. J’avoue que j’étais assez contente ! Et nous voilà à la troisième édition en 2025 !
C’est sûr, c’est hyper politique, mais c’était ma manière d’infuser mes valeurs dans mon travail
Quelles sont les forces vives qui font les Flammes sonores ?
Je prends en charge l’intégralité de la régie de l’événement. Et au fil des éditions, en m’appuyant sur le réseau que j’avais déjà, j’ai pu impliquer des personnes en local que j’ai rencontrées via les fonctions d’accompagnatrice des projets artistiques que j’occupe à la Souris Verte. Je fais appel à des intervenantes extérieures pour les différents ateliers. La première année, il n’y avait que trois intervenantes et en fait, au fur et à mesure des éditions, ça a augmenté et ça s’est diversifié.
Quand tu évoques des intervenantes, ce sont des musiciennes ?
Oui, ce sont surtout des musiciennes, principalement des Vosges. Sur la deuxième édition, nous avons aussi accueilli Louise Barrière, une universitaire qui a travaillé sur certaines thématiques autour des mouvements féministes dans le punk, c’était très intéressant.
Et qui sont les musiciennes à qui s’adressent les Flammes sonores ?
Les Flammes sonores sont ouvertes à toutes les musiciennes ! Mais le fait est que, sur notre territoire, ce sont essentiellement des musiciennes qui pratiquent dans un cadre amateur qui participent aux Flammes. Très rapidement après ma prise de poste, j’ai pu observer que dans les studios de répétition de la Souris Verte, il y avait très peu de femmes, et encore moins de personnes des minorités de genre, qui venaient jouer de la musique. Aussi, par rapport à cette spécificité sur notre territoire, je me suis vite rendue compte que les personnes à qui nous allions nous adresser, allaient être principalement des personnes qui, soit, avaient déjà eu une pratique musicale émergente, soit n’avaient jamais eu de pratique musicale. Et dans les faits, il y a très peu de musiciennes en voie de professionnalisation autour d’Epinal. De facto, les Flammes s’adressent donc principalement à des musiciennes qui pratiquent en amateures. Et j’ai pu constater que pour la plupart, elles ne s’étaient pas forcément posé la question d’avoir une pratique musicale régulière.
Après, au fil des éditions, les Flammes sonores font plus de bruit, sont de plus en plus identifiées. Cette année par exemple, y a des musiciennes qui étaient peut-être un peu plus avancées dans leur pratique musicale. Et pour l’année prochaine, je pense qu’il y a une nécessité de réfléchir justement à différents niveaux pour être aussi adaptés aux personnes qui sont un peu plus avancées.
Comment fais-tu pour inviter ces musiciennes à pousser la porte de la Souris Verte, à venir tenter l’aventure des Flammes Sonores ?
Ça se fait principalement via la communication en ligne, via les réseaux sociaux. Comme on s’inscrit dans la lignée d’un événement qui, de facto, est fléché comme étant féministe, même si ça n’était pas dit directement, en fait ça intrigue et intéresse quand même des musiciennes. Après, il y a aussi le réseau des intervenantes qui s’est mobilisé. Parmi les intervenantes il y a une personne qui est musicothérapeute, une autre qui est multi-instrumentiste mais aussi claquettiste, conteuse et qui a une compagnie à mi-chemin entre le théâtre et la musique. Ça s’est surtout fait par la confiance et le relais direct !
Les musiciennes qui ont participé, ont-elles exprimé certains freins qu’elles rencontrent dans leur pratique musicale ?
Ce qui était hyper intéressant, c’est qu’à chaque fois, on a pu instaurer plusieurs moments de discussion lors du week-end pour recueillir leurs questions, tout en douceur, bien sûr. Et c’est vrai qu’en écoutant ce qu’elles avaient à dire, on a pu se rendre compte de certains freins. Comme celui de ne pas oser, de ne même pas avoir l’opportunité de se poser la question d’une pratique musicale possible pour elles ! Ça leur a permis de partager et de se rendre compte que certains freins étaient internes et que d’autres venaient de leur environnement, de prendre conscience qu’on ne les avait pas réellement soutenues dans leur pratiques artistiques.
Certaines disaient par exemple, moi mon mec il a des instruments de musique mais j’ose pas y toucher et puis en même temps il ne me propose pas non plus donc ça ne me vient pas forcément à l’idée
En fait, pour une grande majorité, ce qui les a attirées vers les Flammes sonores, qui les a fait passer la porte, c’est le fait que ça se passe en mixité choisie. C’est vraiment revenu comme l’argument numéro un pour beaucoup d’entre elles. Ça leur permettait de venir dans un cadre qu’elles estiment être une safe place. Ce qui était intéressant, c’est qu’il y avait aussi des personnes qui, de prime abord, étaient contre la mixité choisie. Mais elles ont décidé de venir pour voir quand même ce que c’était. Et le plus souvent, elles ont complètement changé d’avis là-dessus. C’était hyper intéressant de voir ces personnes qui n’étaient pas forcément du même avis, discuter entre elles vis-à-vis de la mixité choisie et de trouver quand même un endroit commun où elle se sentait en sécurité. Après la mixité, on l’intègre par le concert du samedi soir, mais pas sur ces temps de pratique, de créativité, d’expression qu’il faut laisser en mixité choisie pour favoriser la pratique et la libre expression, des musiciennes.
La non-mixité, il ne faut surtout pas l’enlever, parce que c’est cette singularité qui fait qu’on vient et qu’on se sente bien !
As-tu toi-même rencontré des freins dans la mise en œuvre des Flammes sonores ?
Il y en a eu bien sûr ! Sur la première année, une collectivité locale est venue me questionner sur le pourquoi de la non-mixité. Ça a été le seul atelier pour lequel une collectivité m’a demandé des précisions, alors que des ateliers, j’en propose toute l’année ! Mais celui-là est fléché sur la pratique et la mise en réseau de musiciennes ! J’’ai répondu et ils ont compris. Mais il a fallu préparer un argumentaire pour justifier de ces choix, expliquer pourquoi ces espaces sont importants et ce qu’ils génèrent et que finalement c’est juste une façon d’être paritaire dans notre budget de structure! Ce que je mets en exergue, c’est que toute l’année, les ateliers qui sont proposés à la Souris Verte sont en mixité. Ils sont ouverts à tous et toutes et libres d’accès. Mais la majorité des personnes qui viennent, reste des hommes ! Donc ce que j’en déduis c’est qu’une majorité du budget de la structure qui est allouée à ces ateliers, profite à un public essentiellement masculin. Le fait de proposer les Flammes sonores, sur un week-end en mixité choisie, permet en fait, juste d’être un peu moins inégalitaire en termes de répartition de l’argent public ! Ça ne permet pas d’être en égalité, pas du tout et pas encore, bien malheureusement, mais ça permet d’avoir une balance qui est un peu moins inégalitaire en tout cas.
Quel est le moment qui t’enthousiasme le plus dans ce projet ?
Alors, je sais que c’est toujours un moment avec beaucoup de stress, mais c’est vraiment pendant le week-end, en fait ! Même si je cours partout et qu’il y a énormément de choses à gérer et que je ne peux pas être pleinement dedans. Lors de ce weekend, on partage les moments de discussion avec les stagiaires qui racontent ce qu’elles ont vécu. Ce que j’apprécie beaucoup, c’est qu’on met vraiment les intervenantes et les stagiaires au même niveau, on discute toutes ensemble justement de nos ressentis. Il y a toujours des séquences émotions auxquelles on ne s’attend pas. Si une musicienne est très émue par ce qu’elle a vécu dans les ateliers, les autres vont être très respectueuses de cette émotion et il y a un échange qui se crée comme ça, avec beaucoup de respect, d’affection même, de courage. Ce sont des moments hyper émouvants que je ne retrouve pas ailleurs. Il y a vraiment une bulle qui se crée pendant ce week-end ; le premier jour, les musiciennes se jaugent un peu, il y a de la peur, de l’appréhension, le deuxième jour, ça va déjà un peu mieux, et à la fin ce sont des envies de se revoir, de faire des trucs ensemble qui sont exprimées, avec beaucoup de « Ajoute-nous dans la boucle WhatsApp » ! Après, je les laisse s’envoler.
C’est vraiment trop bien. Il ne faut pas que ça s’arrête parce que c’est mon souffle de vie une fois dans l’année et c’est merveilleux
Donc, c’est un moment que je trouve hyper beau parce qu’on sent qu’il y a une force qui se construit au fur et à mesure du week-end. Ça passe très, très vite et en même temps, c’est hyper intense. Un moment a été hyper émouvant pour moi l’année dernière, ma sœur est venue assister au week-end, elle venait par curiosité. Et en fait, au moment où elle est repartie, elle m’a exprimé la même chose que les stagiaires des autres années, en me disant « mais c’est incroyable, tu ne devrais pas arrêter ça, il ne faut pas arrêter, c’est trop bien, ça fait trop de bien ! ».
Ça provoque du bonheur, autant le garder, faire en sorte que ça continue ! Et alors ?
Quelle figure féminine ou personne minorisée de genre pourrait faire écho, pour toi, aux Flammes sonores ?
C’est une question qui est assez compliquée parce qu’il y en a plein ! Quand j’ai imaginé cet événement, moi qui viens surtout du rock, je pensais justement à toutes les musiciennes qui m’inspirent dans ces musiques-là. Mais en fait, ça va bien au-delà de tout ça. Si je dois citer qu’un seul nom, ça serait sûrement la personne qui m’a parlé de mixité choisie. Il s’agit de Katerine Gierak, dite Mademoiselle K. C’est elle qui m’a indiqué que ça existait. Et je pense que c’est vraiment le point de départ de ce truc-là parce que si elle ne m’en avait pas parlé, peut-être que les choses auraient été différentes ou ça aurait été plus tard. Voilà pour moi, c’est le point de départ. C’est un point de départ en tous cas !
Les Flammes Sonores
Découvrir la Souris Verte
D’autres articles
Féminisme et pop-culture ! Musique pop : un nouveau souffle ?
Le Centre Hubertine Auclert s'adapte au confinement et vous propose sa 2ème causerie "féminisme et pop-culture" Sous forme de podcast ! le thème ? "la musique pop : un nouveau souffle ?"
« FACE B » : un web documentaire musical et féminin réalisé par Miaou Records
La bonne nouvelle du jour : le web documentaire "Face B", réalisé par Miaou Records est maintenant disponible en ligne ! Un an après sa diffusion au cinéma, le label bordelais partage son documentaire, ce qui n'est pas pour nous déplaire en cette période de...
Visitez virtuellement l’exposition “Femmes fantastiques” à Francfort
Inaugurée il y a un peu plus d’un mois, l’exposition « Fantastische Frauen » a été contrainte, comme tant d’autres, de fermer pour une durée indéterminée. Prenant le relais d’une visite IRL, le site du musée propose un parcours numérique donnant la possibilité de...
Recevez notre newsletter
Retrouvez ces informations dans notre newsletter trimestrielle en vous abonnant ci-dessous !


